Premier cas de maladie lymphoproliférative virale chez un dindon sauvage au Québec

Un dindon sauvage femelle malade a été observé en mai dernier à Shawville, dans la région de l’Outaouais. L’oiseau a passé 2 jours dans un arbre sans descendre au sol et ne semblait pas en mesure de voler correctement. L’oiseau, qui présentait plusieurs masses cutanées au niveau de la tête, a été euthanasié pour des raisons humanitaires par un employé du Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs.

La tête du dindon a été soumise pour analyse au laboratoire du Centre québécois sur la santé des animaux sauvages (RCSF – région du Québec). À l’examen macroscopique on a noté la présence d’une multitude de masses cutanées de tailles variables recouvertes de croûtes jaunâtres en bordure du bec, sur les paupières, au niveau de la tête et en région cervicale (Photo 1). Les narines étaient obstruées par l’accumulation de matériel nécrotique séché. L’examen histopathologique des lésions cutanées a permis de mettre en évidence une infiltration de la peau par une quantité très abondante de cellules lymphoïdes présentant un niveau de pléomorphisme important (grande variation de la taille et de la forme des cellules). Ces infiltrations cellulaires formaient régulièrement des nodules souvent centrés sur des follicules plumeux.

PHOTO 1 : Tête du dindon sauvage affecté par la maladie lymphoproliférative virale. Plusieurs masses recouvertes de croûtes sont présentes.

Les caractéristiques histologiques de ces masses sont typiques d’une infection par le virus de la maladie lymphoproliférative du dindon. La présence de ce virus chez ce dindon a été détectée par méthode moléculaire (PCR – Ontario Veterinary College), confirmant ainsi le diagnostic. Cette condition, qui est causée par un rétrovirus, provoque en fait l’apparition de changement néoplasique (tumeur) de la lignée des cellules lymphoïdes. Les lymphocytes tumoraux peuvent envahir la peau et les organes internes. Cette condition peut être fatale pour l’oiseau dans les cas avancés (comme le présent dindon).

Cette maladie a été documentée pour la première fois en 1978 dans des élevages de dindons domestiques en Europe. Les premiers cas de maladie lymphoproliférative diagnostiqué chez un dindon sauvage l’a été aux États-Unis en 2009. L’origine de ce virus reste incertaine, mais on croit que le virus est présent dans la population de dindons sauvages depuis très longtemps. Les recherches effectuées sur ce virus indiquent qu’environ 50% des dindons sauvages américains sont porteurs du virus. Malgré cette prévalence élevée, le développement de tumeurs reste peu fréquent. Une étude récente réalisée en Ontario par la Dre N. Nemeth de l’University of Guelph a mis en évidence le virus chez 66% des dindons sauvages testés. Aucun des dindons de cette étude ne présentait la maladie. En fait, il semble bien que le cas rapporté ici soit le premier cas diagnostiqué de cette condition au Canada. Le mode de transmission de ce virus reste incertain; on croit que la transmission d’un oiseau à l’autre se fait soit via des piqures de moustiques ou suite à des contacts directs.

Il est important de mentionner que l’apparence macroscopique des lésions cutanées causées par ce virus ressemble beaucoup aux infections par le virus pox (un virus bien connu chez le dindon sauvage). Pour cette raison, il est essentiel de soumettre le spécimen au laboratoire afin de permettre la différentiation de ces deux conditions virales.

Le faible nombre de cas documentés, malgré une prévalence d’infection élevée, suggère que ce virus est peu pathogène et n’est donc pas associé à de mortalités importantes. Néanmoins l’impact de cette maladie sur la dynamique des populations de dindons sauvages reste incertain.

Malgré la présence très fréquente de ce virus dans la population de dindons sauvages, aucun cas de cette maladie n’a été rapporté jusqu’ici dans les élevages de dindons domestiques en Amérique du Nord. Ceci suggère que les risques pour le cheptel domestique restent faibles. À noter que ce virus n’infecte pas l’Homme, et ne représente donc pas de risque pour la santé humaine.

Un gros merci à l’équipe de la Dre Nicole N. Nemeth de l’University of Guelph pour son aide avec ce cas.

-Stéphane Lair, CQSAS – RCSF Québec

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